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Voyage en Norvège été 2009

Pui passage dans le Sound of Jura. L’île Jura où Georges Orwell fini de rédiger « 1984 », habitée par quelques milliers de cerfs mais moins de 200 insulaires, sera laissée à bâbord avec sa distillerie vraisemblablement la plus vieille d’Ecosse. Progressions vers Crinan toujours au moteur portés par le courant dans une pétole totale et une chaleur étonnante sous ces latitudes. Crinan  est la porte de sortie (ou d’entrée) du canal de Crinan qui permet de rejoindre la Clyde aux Hébrides intérieur (ou l’inverse) en évitant le passage par Mull of Kintyre dont la renommée a dépassé ses frontières grâce à la chanson de Paul Mac Cartney. En fin d’après-midi ancre mouillée par cinq mètres de fond en retrait des portes de l’écluse. Aucune activité côté canal. Un calme profond entoure le mouillage où nous sommes seuls. Quelques rares sons de clochettes, agitées au cou de moutons épars dans les prairies avoisinantes de la rive opposée, nous parviennent de loin en loin brisant le silence. Noème est parfaitement immobile sur le plan d’eau qu’aucune brise ne vient froncer. Les montagnes et la mer  au coucher du soleil s’embrasent de couleurs intenses, virant du jaune à l’orange puis au rouge dans un ciel qui s’étoile.

Le lendemain matin dans une brume matinale légère, sans vent, remonté du mouillage. Le bruit du moteur et du guindeau fragilisent le silence environnant. C’est l’heure de la marée, impossible d'attendre que le vent se lève. Ici aussi les courants liés à la marée sont impétueux et occasionnent des tourbillons impressionnants entre îles et îlots disséminés tout au long du parcours. Prochaine halte : l’entrée du Canal Calédonian à Corpach près de Fort William. Il faut tenir compte de l’heure de la marée et également des plages horaires de l’ouverture des écluses. Moteur embrayé Noème glisse progressivement sur un miroir parfait, laissant derrière lui un discret sillage obstiné et se dirige vers l’étroit chenal isolant l’île Luing de l’île Seil en direction du Firth of Lorn. Peu de remous encore, l'appareillage à eu lieu suffisamment tôt. La vitesse du courant s’intensifie, virer au nord-nord-est à débouquer du chenal. Seil défile sur tribord, rocheuse et ombragée. A bâbord la côte de Mull dominée par le Ben Moore (966 mètres), couverte de landes, découpée et façonnée par les glaciers maintenant disparus, s’illumine graduellement au soleil de verts changeants. De nombreux récifs et rochers abandonnés sur la route, déterminent de nombreux passages étroits dans lesquels les courants s’accélèrent en tourbillons et remous violents. Noème sous pilote se déporte, fait des embardées. Par prudence reprise de la barre aux passages les plus difficiles. La vitesse atteindra  douze nœuds sur le fond par endroits. Bientôt l’île de Kerrera se profile sur l’horizon puis défile très vite le long du bordé avant de se faire oublier. Pui virer au Nord-ouest pour pénétrer dans le Sound of Mull qui mène à Tobermorry la « capitale » de Mull devenue célèbre depuis qu’une série télévisuelle a popularisé son front de mer de maisons multicolores. Un mille plus avant virer à nouveau au nord-nord-est pour rejoindre le Loch Linnhe baigné d’une discrète brume de chaleur. Le loch est large avec peu de courant, les berges pentues sont boisées et de rares maisons blanches aux toits d’ardoise y sont accrochées. Le vent toujours absent oblige à faire route au moteur. Au fond du loch surgit Fort William au pied du Ben Nevis dont le sommet, encore enneigé, miroite au soleil. C’est la plus haute montagne de Grande Bretagne,  sa cime culmine à 1344 mètres. Fort William est dépassé ainsi que ses bancs de sable qui affleurent. Le loch s’incurve sur bâbord, encore quelques minutes et c'est l'arrivée à Corpach. Les portes de la première écluse sont fermées. Quelques ronds dans l’eau pour espérer voir arriver l’éclusier. Comme il n’en est rien pas d'autres solutions que d'amarrer Noème au quai d’accueil à proximité de l’écluse et attendre.

Finalement un individu longiligne, dégingandé, en tenue bleue marine accoutré d’une brassière rouge fait de grands signes en nous hélant. Les portes de l’écluse commencent à s’entrouvrir dans un grincement sourd. Le moteur est rapidement démarré, les amarres récupérées et Noème déhalé du ponton. La porte de l’écluse franchie Noème vient à quai de nouveau. L’éclusier fait signe de monter sur le quai et de le suivre à l’intérieur d’un bâtiment implanté en retrait du canal. Là il explique (dans un anglais teinté d’un fort accent écossais) les manutentions et manœuvres qui nous attendent pour franchir les écluses et les ponts tournants. A l’issue de son exposé il remet divers documents concernant la navigation sur le canal. Pour finir compléter une fiche signalétique et régler le montant des droits de passage qui s’élèvent pour notre bateau à la somme de 226 (£) livres Sterling. Une fois payé ce droit de transit il n’y aura pas de frais supplémentaires à acquitter. A l’image du premier éclusier, tout le long du parcours les autres seront obligeants et disponibles. Voilà enfin dans le Canal Calédonian dont nous avions si souvent parlé et à propos duquel nous avions lu nombre de récits. A quelques encablures de là, à Banavie, se dresse l'escalier de Neptune : huit écluses consécutives et une heure et demie pour les franchir dans  un impressionnant dénivelé qui nous mène, par marche successive à 19,5 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les portes autrefois manœuvrées à l’aide de cabestan par douze hommes, le sont aujourd’hui seulement par deux car équipées de vérins hydrauliques, ce qui a simplifié leur travail.  La fin de journée s’annonce, aussi après avoir escaladé cette série d’écluses, l'heure de la débauche sonnera pour les éclusiers et pour nous.


 

 Juste après la dernière écluse le ponton de la marina de Banavie attend pour la nuit les yachts en transit. Un paysage d’une grande quiétude nous entoure. Une certaine sérénité règne sur cette portion de canal où, installés sur le quai à l’heure du thé, au milieu d’autres embarcations amarrées, sous un soleil rutilant, nous admirons les dernières neiges du Ben Nevis, cet ancien volcan à présent éteint.

Le lendemain il fait décidément toujours aussi beau. Départ pour Fort Augustus au sud du loch Ness. Cabotage sur une bonne longueur de canal avant d’atteindre le Loch Lochy premier loch sur la route. Quelques écluses et ponts tournants encore plus loin le Loch Oich s’offre au voyageur. Dans l’après-midi le vent enfla et souffla fort ne facilitant pas le pilotage dans les zones exigües. Après Loch Oich une nouvelle portion de canal avec ses ponts et écluses et à parcourir avant de rejoindre Fort Augustus pour y passer la nuit.

Le canal est bâti au cœur des Highlands ou Hautes Terres, région de montagnes et de collines, aux terres peu arables et peu peuplées. De part et d’autre du canal ou des lochs, très peu de bétail et de cultures, mais des rhododendrons sauvages en fleurs à foison, des genêts d’un jaune éclatant à perte de vue, de petites maisons blanches installées au milieu de jardin en fleurs, agrippées aux flancs des montagnes. Parfois des ruines mêlées à la végétation sont aperçues ainsi que quelques rares châteaux. A Fort Augustus il y a plusieurs écluses à descendre pour rattraper le niveau du Loch Ness. En cette fin d’après-midi, entre les manœuvres, avec des Ecossais mais aussi des Français venu nous rejoindre, surpris d’avoir vu un mât aussi haut (celui de Noème) dominer les écluses, nous bavardons sur les plaisirs ou déplaisirs de la navigation en terre écossaise. Noème ayant fini d’écluser il est immobilisé au ponton d’attente et assuré solidement. Un peu plus en avant, le loch Ness moutonne furieusement sous l’action du vent qui continue de souffler fort. Débarquement pour se dégourdir les jambes et parcourir les rues comme nous aimons tant le faire à la découverte de la personnalité de chaque escale. Fort Augustus est une toute petite ville qui ne vit que du tourisme. Elle offre peu d’attractions et l’heure tardive à déjà vidé les rues. Enfin regagner bien vite le bord pour se protéger du vent tempétueux qui n’en fini pas de soufler.

            Nous nous éveillons avec la promesse d’une nouvelle journée ensoleillée. Sur vingt mille nautiques il faut emprunter le fameux Loch Ness, célèbre pour son monstre hypothétique. Le vent est tombé, le moteur va être mis à contribution. Le peu de vent présent s’établira de toute façon de face. Le loch Ness est encaissé dans une grande faille, les versants des montagnes qui nous entourent sont jaunis par les genêts et clairsemés de minuscules moutons. Un petit détour pour s'approcher des ruines du  magnifique château d’Urquhart installé sur un promontoire rocheux battu par les vents en bordure de berge. La légende prétend que le monstre y fit sa première apparition. Un mouillage est possible dans le nord du château à l’intérieur d’une crique. Le petit loch Dochfour prolonge le Loch Ness dont la beauté sauvage est quitté à regret. Nessie n’a pas daigné montrer le bout du museau, fatigué sans doute des touristes qui le traquent.

Pour achever cette traversée suivent deux ports où l'on peut séjourner : Caley marina et Seaport marina. On peut aussi passer les dernières portes d’emblée et se rendre à Inverness où un nouveau port de plaisance vient d’être aménagé, ce que nous avons fait après avoir attendu que le pont de chemin de fer s’ouvre, entre le passage de deux trains.

Le passage du canal n’est nullement difficile. Les manœuvres ne présentent aucune complexité particulière, même en équipage réduit. Des précautions sont à prendre par simple prudence. Bien protéger les flancs du bateau avec de bonnes défenses, avoir à disposition des amarres assez longues (elles passent en double sur des pontets situés sur le quai et reviennent sur le bateau) car le « marnage » peut atteindre 4 à 5 mètres, deux bonnes gaffes. De plus le personnel recommande le port de gilets de sauvetage, sans insistance. A deux reprises,  les ailettes des quilles ont frotté sur la paroi verticale du quai car nous n’avions pas maintenu le bateau strictement parallèle à ce dernier. Par la suite nous faisions attention à bien le maintenir dans l’axe et ne pas rapprocher la proue du quai. Eviter si possible de se retrouver devant les portes de l’écluse au moment du remplissage car cela provoque l’apparition de grosses turbulences et de  gros remous qui font danser la gigue aux embarcations. S’il se trouve plusieurs bateaux à écluser le choix de la place ne sera pas possible, les éclusiers les disposant en fonction de leur encombrement dans le bassin.

            A la sortie du canal, après appel sur la VHF une place nous est attribuée au fond du bassin de la nouvelle marina d’Inverness ouverte fin 2008. Le « Harbour master » nous accueille et attrape nos amarres à la volée. Une fois les formalités assurées direction Inverness. Trente ans ont passés  depuis  un précédent passage ici. Peu de changement au centre ville de la capitale des Highlands. Le château en pierre rose domine toujours la ville qui s’est étendue et modernisée. Les berges et les îlots de la rivière Ness maintenant aménagés, autorisent une longue promenade en toute tranquililté au milieu d’arbres immenses.